Comment aider les hauts potentiels ?

(Cet article est un texte d’opinion. Il ne reflète pas nécessairement les opinions des autres intervenants de Dixit Haut Potentiel)

Il y a au moins deux façons d’aider les hauts potentiels :

  • reconnaître qu’ils sont formidables et leur fournir des services adaptés pour ne pas collectivement “gâcher” leur potentiel
  • les outiller pour que leur adaptation au 98% du reste du monde soit moins douloureuse

De la différence et de la justice

J’ai des doutes à la fois pragmatiques et éthiques sur la première proposition. Bien sûr que nous aimerions que les enfants HPI trouvent un environnement épanouissant pour leur permettre de se révéler et de se nourrir intellectuellement. Mais cela pose aussitôt en corollaire le problème de l’équité et des moyens à mettre en œuvre. L’idéal serait d’avoir un système éducatif parfaitement adaptable à toutes les réalités de tous les enfants. Mais si vous vous mettez dans les chaussures d’un éducateur quelques minutes, vous entrevoyez tout de suite la difficulté que vous auriez à gérer le programme imposé par le ministère (pour garantir l’égalité des chances en termes d’apprentissage), à accompagner les élèves en difficulté scolaire ou psychologique (oui, les difficultés psychologiques ou familiales ont un impact en classe) et à “nourrir” adéquatement la curiosité inlassable du ou des élèves HPI.

Le sur-mesure a ses limites. C’est souhaitable bien sûr mais est-ce bien raisonnable ?

Mais imaginons que les moyens soient mis en place pour accompagner ces enfants dans leur soif de connaissance, leur inventivité débordante mais aussi parfois leurs dissynchronies et leurs besoins affectifs. Parce qu’ils le méritent. Pour ne pas gâcher. Mais les autres alors ? Ne méritent-ils pas les mêmes services, la même qualité de présence ou la même stimulation ?

C’est un écart de traitement que même un jeune HPI ne souhaiterait pas forcément s’il partage intuitivement le désir de justice que l’on voit sourdre chez la plupart de ses congénères. Et c’est une lame à double tranchant. Soit il ne veut pas de cet accompagnement particulier parce qu’il sent que ce n’est pas juste et surtout parce que cela le discrimine de façon positive et lui complique à nouveau les relations avec ses camarades. Soit il se sent rassuré, accompagné, pris en charge, et en parallèle de ses capacités intellectuelles libérées, son ego gonfle. Il devient positivement “à part”. Mais on est bien seul dans une tour d’ivoire.

Alors bien entendu, je ne peux pas être contre la vertu. Si c’était possible, chaque enfant devrait avoir l’accompagnement dont il a besoin, point. Cela fait des décennies que les experts en éducation et en pédagogie planchent sur cette autre quadrature du cercle : comment donner la même formation de base à tous (équité) avec un accompagnement le plus adapté possible (flexibilité) ? Je n’irai pas plus loin sur ce point car je ne suis pas experte. Néanmoins, aujourd’hui, l’idéal que nous imaginons n’est pas offert aux enfants HPI. Alors que faire ?

Appeler un cygne, un cygne !

C’est l’histoire du vilain petit canard. Si différent qu’il n’est pas à sa place. Mais ce n’est pas parce qu’il est différent qu’il n’est pas à sa place… C’est parce qu’il ne le sait pas !

La responsabilité première, quand il sont à même de reconnaître cette différence (et c’est loin d’être la norme), incombe aux parents.

Mettre son enfant sur un piédestal parce qu’il est brillant, précoce, plus intelligent que la moyenne est dangereux et ne facilitera pas ses relations aux autres.

Nier les différences du cygne et le contraindre à se comporter gentiment comme les canards est tout aussi pénalisant (on parle ici d’adaptabilité extrême, de caméléon, de déni de soi, de faux-self).

La voie du milieu consiste à expliquer au cygne ce qu’il est en n’oubliant pas de lui présenter les canards, les jars, la vieille femme, le chat ou la poule. Et en l’invitant à se comporter comme un cygne, naturellement.

“…une différence ou un handicap peuvent être motif de moquerie et d’exclusion

et devenir, avec le temps ou selon le point de vue,

un atout, un objet valorisant, un motif de reconnaissance.”

J’aime ici le mot “Reconnaissance”. Se reconnaître comme un cygne. Reconnaître les autres espèces. Forces et faiblesses. Différences et acceptation.

Dans mon accompagnement des HPI, j’ai pu constater qu’ils avaient besoin d’apaisement et de reconnaissance. Pas d’admiration ou de déférence. De reconnaissance de ce qu’ils sont. C’est le combat de toutes les minorités et même de toutes les individualités. Un simple “je te vois” peut avoir un impact puissant.

Ils ont également besoin de traduction. Je reviendrai plus souvent sur cet aspect que j’appelle interculturel mais c’est comme si, plongé dans un univers de normo-pensants, le HPI perdait sa faculté de comprendre. Comme s’il utilisait les mêmes mots mais que, dans les deux univers, ces mots avaient un sens différent. Vous imaginez la confusion ?! Il est important que le HPI comprenne, le plus tôt possible, la capsule culturelle du reste du monde. Cela contribue à leur apaisement.

J’ai la croyance que si on permet à chacun d’être lui-même, il acceptera que le voisin ait également son individualité. C’est peut-être naïf ou idéaliste mais je constate beaucoup moins de tensions quand un HPI découvre enfin qui il est et pourquoi il est différent.

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